Le manifeste est né après une longue période, perdu dans le noir de mes pensées.
Après cet arrêt brutal du jeu de rôle et de l'écriture, dans une tentative désespérée de renouer le contact.
Pas qu'on ne se parlait plus, qu'il y avait une mauvaise ambiance, c'était même le contraire, non. Le souci était qu'on ne parlait pas vrai.
On parlait de tout, du temps qui passe, du dernier film sortit, de musique, de série et même, parfois, de jeu de rôle. Mais on ne parlait pas de nous, on ne se parlait pas et quand j'ai voulu le faire, ce fût le drame.
On n'a pas grand-chose à se dire, finalement. Des petits tracas de la vie, de temps en temps. De choses essentielles, pas vraiment. Et comme nous ne partagions rien de profond, quand je le fis, cela tomba à plat.
Quand je déclarai vouloir partir, on me laissa partir. Les conversations sur le temps qui passe, sur le dernier film sortit et de la musique allait continuer de toute manière. Et plus de jeu de rôle ? Peut-être ! Et alors ?
On vit les uns à côté des autres, pas les uns avec les autres. Notre petite bande n'y échappait pas. Pour moi, annoncer l'arrêt de deux de mes plus anciennes passions était comme annoncé que j'allais aller me pendre, quelqu'un en aurait peut-être à dire, peut-être quelque chose à foutre ?
Ce qui fut dérangeant pour eux, fut de l'annoncer. Ce qui fut malaisant, ce fût la manière de le dire. Le sujet de l'annonce, lui, ne regardait que moi.
Grave erreur de penser qu'on partageait plus que des conversations sur le temps qui passe, sur le dernier film sortit, sur la musique et parfois, même, de jeu de rôle.
Le temps qui passe est ma hantise. Le cinéma, je n'y vais plus. La musique, je suis dépassé et le jeu de rôle... trop peu au final. Alors, je suis parti, sans bruit, sans me faire remarquer. Sans que personne le remarque.
Je suis parti manger mes idées noires, seul. On l'est toujours. Et je le suis surtout quand je suis entouré de gens.
Après un certain temps est né ce manifeste, dont je ne sais pas quoi faire avec. Juste, peut-être, un rappel à ne jamais recommencer.
Le voici, brut et sans nuances.
Je ne crée plus pour vous.
Je ne m'arrête plus pour vous.
Je continue parce que c'est ma façon d'exister.
Le reste n'a plus de nécessité.
Je ne cherche plus de réaction, ni d'acceptation.
Je n'attends plus rien de ceux qui se taisent.
Une seule règle désormais :
Je fais ou ne fais pas — mais ce n'est plus vous qui dictez ce choix.
Début de la reconstruction.